mardi 27 janvier 2015

Comment l'Espagne gagne la guerre du tourisme grâce au low costs

Avec la libéralisation du ciel européen, la concurrence est très forte sur les prix, ce qui profite aux compagnies low cost, en forte progression malgré la morosité du marché aérien. Les marchés espagnol et français sont très jeunes au regard de la maturité des marchés anglais et irlandais, et continuent à connaître de fortes hausses de fréquentation. Selon le rapport Attali de janvier 2008, le transport low cost aérien de passagers représente en moyenne 34% de parts de marché en nombre de passagers en Europe. Face à ce chiffre, l’Espagne est en bonne position avec une moyenne nationale de 30% de passagers aériens low cost. En France, cette part de marché du low cost n’est que de 12%. Les deux entreprises leaders du marché espagnol sont Ryanair et Easyjet qui ont transporté plus de 25 M de passagers. L’écart avec les autres transporteurs est conséquent car les six plus importants après les deux leaders ne transportent que 20% du marché : Vueling/Clickair (1,5 million de passagers), Transavia France (0,9 million), Flybe (0,7 million), Atlas Blue (0,7 million), Jet4You (0,5 million) et SkyEurope (0,5 million). Les principaux aéroports desservis par des compagnies low cost en Espagne en 2009 sont ceux de Palma de Majorque avec 18,1% des passagers, puis ceux de Barcelone (12,5%) et de Malaga (12,3%). L’Espagne apparaît nettement plus en avance que la France sur le marché des vols low cost, ayant très tôt axé sa politique touristique sur le développement des liaisons aériennes à bas coût, ce secteur favorisant la fidélisation touristique. Les passagers low cost représentent aujourd’hui près de 30% du marché aérien espagnol, contre 12% en France. En 2009, plus d’un passager international sur deux arrivant sur le territoire espagnol a transité via un vol low cost, soit au total près de 30 millions de passagers. Cette clientèle est fortement fidélisée à la destination et se rend principalement en Catalogne, aux Canaries et à Madrid.Sur l’ensemble des touristes arrivés en Espagne via une compagnie aérienne low cost en 2008, près de 90% étaient déjà venus en Espagne. Parmi ces personnes, près de 40% sont déjà venus en Espagne au moins 10 fois, et plus de 20% entre 4 et 6 fois. Ces chiffres confirment le fait que les clientèles touristiques fidélisées constituent la principale clientèle des vols low cost.32 En 2008, les dépenses moyennes des touristes européens arrivés en Espagne via un vol low cost étaient de 800 €, soit 167 € de moins qu’un voyageur ayant choisi un vol traditionnel (-21%). En France, le Royaume-Uni représente 31% des passagers low cost étrangers dans les aéroports français, soit 7 millions de passagers en 2008. Derrière le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie rassemblent respectivement 15% (3,4 millions passagers) et 12% (2,7 millions passagers) des passagers étrangers (source: Séminaire Espagne)

Merci les Grecs

Merci aux Grecs et à Syriza d’avoir démarré le printemps européen ! Hier, après que des dirigeants européens indignes leur aient refusé de s’exprimer, puis fait pression pour qu’ils votent pour la majorité en place, le peuple grec a dit non, non à cette troïka et ces dirigeants qui les torturent pour rien. Ce faisant, ils envoient un immense message d’espoir à toute l’Europe. Le résultat des élections législatives grecques est un camouflet cinglant pour cette Union Européenne qui avait refusé à Papandréou le référendum qu’il souhaitait organiser sur le plan européen, puis qui avait cru bon exprimer de manière scandaleuse son choix pour ces élections. Le résultat des urnes est sans appel : Syriza obtient une très forte avance sur Nouvelle Démocratie et pourrait même obtenir la majorité absolue seul au Parlement, un score que peu imaginaient. Ce faisant, les politiques en échec de la troïka, du Pasok et de Nouvelle Démocratie subissent une défaite historique. Les Grecs ont dit non à la politique austéritaire inhumaine menée depuis 2010 et qui a totalement échouée. Et ce résultat est doublement encourageant. Il montre que les peuples peuvent se réveiller quand ils ont un véhicule approprié pour renverser les partis en place qui ont échoué. Ce qui s’est passé en Grèce montre qu’il ne faut jamais se décourager de la démocratie. Tôt ou tard, elle finit par permettre de sortir de l’impasse dans laquelle de mauvais dirigeants mettent un pays. Mieux encore, nous allons comprendre dans les jours prochains que les électeurs grecs seuls peuvent tordre le bras de toute l’UE et obtenir ce que les dirigeants européens actuels refusaient d’accorder depuis près de 5 ans. Athènes va démontrer que la démocratie est plus forte que cette tour de Babel inhumaine et distante ! La renégociation des plans européens, la remontée du SMIC et la reconstruction du système de protection sociale grecque sont un immense message d’espoir pour des peuples mis à mal par des dirigeants perdus dans leurs délires idéologiques monstrueux. En optant pour Syriza, la Grèce suit la première l’exemple de l’Amérique Latine et elle opte pour Lula plus que Chavez, contrairement à ce que sous-entendent les idiots qui qualifient Syriza d’extrémiste. Cette victoire pourrait bien être la première des alternatifs et en préfigurer bien d’autres dans les années à venir. Après tout, l’alter ego de Syriza en Espagne, Podemos, semble en mesure de bouleverser le paysage politique dans quelques mois… Cette remise en cause de l’ADN monétariste, néolibérale et parfois autoritaire de cette Europe qui prétend trop souvent passer outre l’opinion des démocraties qui la composent est extrêmement rafraîchissant. Hier, la démocratie a repris ses droits, contre cette oligarchie toute puissante. J’ai tendance à penser que ce choc démocratique finira tôt ou tard par pousser les autres peuples à se révolter, et hâter le démontage de l’UE. Mais il ne faut pas sous-estimer la volonté de vivre de cette oligarchie ou des dirigeants qui se sont trop liés à ce projet fou pour l’abandonner aujourd’hui. Nul doute qu’ils seront prêts à de nombreux compromis pour sauver cette construction folle, y compris céder à Tsipras. En tout cas, merci aux Grecs et à Syriza. Ce 25 janvier est un grand jour dans l’histoire des démocraties européennes, un jour où un peuple a repris son destin en mains, contre les injonctions d’oligarques devenus fous. Ce faisant, une fois encore, Athènes montre le chemin à suivre pour les peuples européens.

Réflexion sur le danger de la croissance

Ne passez pas à l’échelle… trop vite ou le danger de l’impératif de croissance L’une des erreurs cardinales de l’innovation en général et de l’entrepreneuriat en particulier est de chercher à passer à l’échelle trop vite. Dans la plupart des cas, cela condamne le projet à l’échec. Regardons d’où vient cet impératif et pourquoi il est dangereux. Le dogme du passage à l’échelle rapide a deux origines. Pour les entreprises existantes, il résulte d’un impératif de taille lié au besoin de croissance. Une entreprise qui fait 1 million d’euros de chiffre d’affaire doit, si elle veut croître de 10%, trouver un marché dont la taille est de 100.000 euros. Une grande entreprise qui fait 100 millions d’euros de chiffre d’affaire doit trouver, pour le même taux de croissance, un marché de dix millions d’euros. Une entreprise qui fait dix milliards de chiffre d’affaire devra, elle, trouver un marché de 1 milliard d’euros. Or un nouveau marché créé par une rupture commence toujours très petit. Plus la taille de l’entreprise est grande, moins elle sera motivée par ces petits marchés, et plus elle poussera pour que les projets innovants atteignent très vite une taille suffisante pour contribuer de façon significative à leur croissance visée. La seconde origine du dogme est la croyance selon laquelle le développement d’un projet d’innovation est linéaire. Or, et cela semble une évidence mais qu’il faut rappeler sans cesse, tous les nouveaux marchés commencent par être très petits. Et non seulement cela, mais ils ont également tendance à le rester assez longtemps. Il y a donc une discontinuité fondamentale dans la naissance d’une innovation: il y a un temps d’incubation incompressible avant que la croissance ne soit possible. Pour comprendre pourquoi, il faut revenir au processus d’innovation. Dans un article précédent, j’illustrais ce processus au travers de l’exemple des kits photoélectriques pour l’Afrique. Je montrais qu’innover, c’est constituer un réseau de valeur rassemblant entre autres fournisseurs, clients, et partenaires ayant intérêt à l’innovation. C’est vrai quel que soit le domaine, et notamment pour les startups du Web. Bien souvent on peut avoir l’impression que parce qu’il est sur Internet, un projet peut être entièrement virtuel: il suffit de monter le site, de faire beaucoup de publicité et voilà, la dynamique est lancée. Or il n’en est rien. AirBnB, le site de partage d’appartement, a ainsi pu démarrer parce que ses fondateurs sont allés démarcher, un à un, les propriétaires d’appartement. Un à un! ça paraît peu gratifiant pour un entrepreneur du Net, mais ce contact avec les propriétaires leur ont appris plein de choses sur ce qui allait marcher et ce qui n’allait pas marcher. Frédéric Mazzella, fondateur de BlaBlaCar, a commencé en effectuant lui-même du covoiturage et en passant énormément de temps avec les premiers membres de son réseau naissant pour bien comprendre ce qui les motivait. Rien ne remplace ces contacts approfondis avec les premiers clients d’un projet entrepreneurial car ils apportent une information qu’aucune étude de marché ne révélerait jamais, et il ne faut pas hésiter à y investir énormément de temps et d’énergie, et éviter absolument de le sous-traiter. Attention, cela ne signifie pas, comme on le voit parfois, qu’il faut considérer qu’un projet d’innovation ne peut être mesuré, qu’on peut le laisser se développer sans lui imposer de résultats. Cela signifie simplement qu’il se mesure de manière différente. En l’occurrence, on surveillera principalement l’acquisition de nouvelles parties prenantes, évaluées en fonction de la nature du projet (dans le cas de AirBnB, les parties prenantes critiques étaient les offreurs d’appartement). On comprend mieux pourquoi la phase initiale d’un projet est longue, et pourquoi elle ne produit pas vraiment de chiffre d’affaire pendant un certain temps. La progression est essentiellement qualitative: très peu de clients, mais un affinage de l’offre sur la base de l’expérience avec les premiers clients. Essayer de la raccourcir, c’est bâtir le projet sur du sable. C’est l’une des raisons de l’échec des projets d’innovation des grandes entreprises: ayant besoin de générer un chiffre d’affaire important pour contribuer à leur croissance, celles-ci auront tendance à pousser l’innovation en donnant au projet des objectifs très ambitieux pour atteindre la vitesse de croisière le plus vite possible. C’est oublier que la première phase est une phase de construction sociale qui se développe de manière organique, et plus les objectifs seront ambitieux, plus les responsables du projet auront tendance à brûler les étapes pour aller plus vite à l’échec final. Au final, un projet d’innovation doit démarrer lentement, en étant, pour reprendre l’expression de Clayton Christensen, patient pour le chiffre d’affaire, mais impatient pour le bénéfice: la viabilité du projet, c’est à dire la capacité à montrer que ce qu’il offre intéresse des gens qui sont prêts à payer pour cela, importe plus que la croissance de ce nombre de gens dans la phase initiale. C’est seulement après, lorsque les différents éléments du modèle d’affaire auront été déterminés et que l’acquisition de parties prenantes prend de l’ampleur, que les feux peuvent être poussés.